ANN RAY aka ANNE DENIAU - from Z to A

Art in all directions / Film / Photography / Dance / Music / Words

V like Violent and not tender time

Le rapport de force. Le rapport de force pur et dur, la violence sans artifice, et non plus la "tendre violence" dont parlait Wenders en évoquant l'acte photographique... S'interroger, se demander en quoi ça consiste exactement, quelle est sa forme, sa nature, son origine, sa couleur, son odeur même. S'interroger, oui, analyser ou presque disséquer la chose, pour en avoir moins peur. Sans aucun doute, le rapport de force représente le degré zéro de l'humanité. Et pourtant. Parfois il n'existe pas d'autre choix. Pour défendre ce qui semble être la condition sine qua non de l'existence : le respect de soi-même. Ou de ceux qu'on aime, "the beloved ones".

 

Il faut pouvoir le faire, au sens anglais de "I can", je peux, j'en suis - physiquement, et mentalement - capable. Un rapport de force devient vite insoutenable, sa violence tranche, noue et rend malade ceux qui ne le pratiquent pas d'ordinaire. Il faut continuer pourtant, whatever it takes. Parce que l'adversaire - c'est bien d'un combat dont il s'agit - attend que l'autre, l'inhabitué, abandonne, dégoûté. L'adversaire connaît ce dégoût du novice, il s'en amuse, il en tire avantage. L'adversaire aligne les coups avec la régularité d'un métronome. Il faut encaisser. Plier mais ne pas casser. Esquiver, quand c'est possible. En venir à se demander combien de coups il faut pour briser une volonté. Espérer ne jamais le savoir. Tenir le coup, sourire faiblement en réalisant que les expressions toutes faites ont bien été faites un jour pour quelque raison. Poursuivre le combat, à son corps défendant. Ne pas voir venir le coup suivant, par surprise. Relever la tête, l'oeil penché. Apprécier, jauger cet adversaire redoutable : Bien joué. Sauf que ce n'est pas un jeu.

 

Un rapport de force, au fil du temps. Le dégoût, jour après jour. Un gout de cendre dans la bouche, persistant. Des nuits qui ont cessé d'être paisibles. Des réveils illuminés et puis très vite plombés, il y a ça, traînant dans l'air comme un parfum nauséabond, ça ne vous quitte pas, impossible de quitter le ring, sauf à jeter l'éponge.

L'écoeurement. La violence. Le rapport de force. Se demander quelle image on pourrait mettre sur ces mots-là, "rapport de force", ne songer à rien, se dire que ce serait une image dégueulasse de toute façon, quelque chose qui suinte et qui dégouline. Une plaie. Imaginer que l'on écarte ces pensées, faire semblant de le croire. Naïveté. On n'échappe pas à ce que l'on est, et tant mieux, puisque c'est le coeur de l'histoire.

 

Le flux des pensées incessantes. Des images qui surviennent, un peu lointaines, puis évidentes, lumineuses.

Les premières images qui s'imposent sont celles de Martine Barrat, femme de coeur et immense photographe. De jeunes apprentis boxeurs. L'âpreté de ses images, la Vérité aussi. Un livre qui s'appelle, comme c'est étrange, "Do or Die". "Do or die"... A l'intérieur, ces mots encore : "If you don't do, you die." 

Les secondes images sont celles que l'on fait, celles qui nourissent, celles qui absorbent, celles qui engloutissent avec bonheur, celles qui permettent d'échapper quelques instants à tout, et notamment à un rapport de force, obsédant et douloureux. Faire des images inutiles, les images inattendues, celles que personne n'a demandé, celles qui ne seront pas utilisées, les abandonnées d'avance. Les aimer davantage que les autres, sûrement parce qu'elles sont sincères, sans doute parce qu'elles sont inutiles.

 Un jour, envers et contre tout, retrouver fugitivement une atmosphère douce et paisible. Prendre une photographie. Une image inutile. Constater ensuite que, comme presque toujours, comme tellement souvent, il faut quelque temps pour que la lumière se fasse. Pour réaliser à quel point, éternellement, chaque image que l'on fait contient tout ce que l'on est à un instant donné. "Image maker". Plus qu'une définition, un "statement". Un état de fait. Faire des images. Regarder la lumière. Il suffit d'apprendre à lire, les images comme les mots.

Le soir venu, regarder l'image, qui paraissait drôle le matin même, qui séduisait par son inutilité et tout son sens, une image posée là, offerte, à saisir simplement, en apparence. Oui mais. Fatalement, l'image intérieure, contenue, étouffée, parvient toujours à se frayer un chemin. Regarder, pensivement, ce que l'on voulait taire. Le rapport de force :


 

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<br /> Merci...<br /> <br /> <br />
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<br /> J'ai apprécié ce texte.<br /> <br /> <br />
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